Le mois dernier, on s'en souvient, le MRNF a admis au BAPE avoir trouvé 11 cas de «migration de gaz» sur les 31 puits de gaz de shale que compte le Québec. Voulant savoir si ce ratio de plus de un puits sur trois constituait la norme ou l'exception dans l'industrie, Le Soleil a épluché les données d'inspection de la Pennsylvanie pour 2010. Là-bas, sur les 405 puits trouvés coupables d'une faute quelconque l'an dernier, les inspecteurs en ont repéré seulement cinq qui montraient des signes de «migration» - c'est-à-dire qu'ils laissaient s'échapper du gaz par d'autres endroits que la «soupape» prévue à cette fin.
En proportion, cela représente une fréquence 28 fois moindre que ce qui a été observé au Québec, et encore, cela ne tient compte que des puits fautifs. L'écart véritable est probablement beaucoup plus grand puisqu'il y avait environ 5350 puits en activité dans cet État en date du 3 janvier dernier.
Comment expliquer une différence aussi énorme? D'après ce qu'il a été possible d'apprendre de l'industrie, cela ne peut pas être dû à un manque d'expérience des travailleurs québécois, puisque les puits d'ici ont été forés par les mêmes compagnies de forage (des sous-traitantes des gazières) qui travaillent déjà ailleurs sur le continent.
Cela ne peut pas être, non plus, une question de définition de ce qui constitue une fuite, ou de seuil à partir duquel une «migration» devient illégale. Le Pennsylvania's Department of Environmental Protection (PDEP) a confirmé au Soleil observer une sorte de tolérance zéro comme le Québec - alors que dans l'Ouest canadien, il faut un débit de gaz supérieur à 300 mètres cubes par jour pour que cela soit considéré comme un problème.
La différence, dit l'ingénieure du MRNF Isabelle Leclerc, pourrait alors bien s'expliquer par le fait que «normalement, selon les normes de l'industrie, ils se fient seulement à l'inspection visuelle pour détecter des migrations de gaz, alors que nous, on avait des détecteurs de méthane. Et dans certains cas, ça nous a permis de détecter du gaz qu'on n'aurait pas pu voir autrement».
Ces détecteurs ne sont pas utilisés ailleurs, du moins pas en Pennsylvanie, où seule la présence de bulles au pied (toujours inondé) des têtes de puits trahit une fuite. Selon le porte-parole du PDEP Daniel Spadoni, en effet, «les migrations qui surviennent ailleurs qu'à la tête du puits demeurent souvent inconnues tant qu'une plainte n'est pas logée [au PDEP...] parce qu'un particulier découvre qu'il y a du gaz dans son puits d'eau potable et que, pour une raison ou pour une autre, il croit que l'industrie des gaz de shale en est responsable».
Mme Leclerc souligne par ailleurs que l'expression migration de gaz «ne veut pas nécessairement dire que le gaz a migré dans le sol», mais simplement «tout ce qui sort ailleurs que par l'évent». Dans 10 des 11 cas relevés par le MRNF, dit-elle, les fuites se produisaient entre deux «couches» de tubage, et le gaz ne voyageait donc pas dans le sol. Cela laisse quand même un cas - un puits de Canbriam à La Présentation, près de Saint-Hyacinthe, selon un document du MRNF - qui constitue une véritable fuite dans le sol.